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Perspectives macroéconomiques 2023

Après la "grande reprise" post-pandémique qui a caractérisé 2021, 2022 fut à son tour une année terrible tant du point de vue humain que pour l'économie mondiale. Celle-ci a été marquée par l'invasion russe en Ukraine, une recrudescence de la pandémie de Covid, notamment en Chine, une flambée de l'inflation à des niveaux plus vus depuis des décennies, et un ralentissement significatif de la croissance mondiale. Les banques centrales ont agressivement durci leurs politiques pour faire baisser l'inflation, ce qui a fait perdre aux marchés boursiers mondiaux environ un cinquième de leur valeur en 2022. Il s'agit de la pire performance depuis la crise financière mondiale de 2008. Les marchés obligataires ont également subi de lourdes pertes, les indices de la dette publique et de la dette des entreprises ayant baissé d'environ 16 % en 2022. Les pertes totales accumulées sur les marchés des actions et des obligations sont estimées à plus de 30 000 milliards de dollars, un chiffre supérieur aux pertes subies pendant la crise financière mondiale.

Les attentes pour l'année 2022 étaient pourtant tout à fait optimistes. On s'attendait à une croissance solide et à une baisse de l'inflation. Les banques centrales espéraient que le niveau élevé de l'inflation diminuerait une fois les pénuries d'offre dues à la pandémie résorbées.

Toutefois, l'économie mondiale a été frappée par deux chocs majeurs. L'invasion russe en Ukraine a secoué la scène internationale, causé d'immenses souffrances au peuple ukrainien et endommagé l'économie mondiale. La guerre, conjuguée aux sanctions imposées par les États-Unis et l'Europe, a entraîné une augmentation drastique des prix de l'énergie et des matières premières, intensifiant les pressions sur les prix qui ont poussé l'inflation à des niveaux records.

Les nouvelles épidémies de Covid en Chine et la politique chinoise de zéro Covid, ont provoqué un choc de l'offre négatif majeur pour l'économie mondiale, limitant la croissance et créant de nouvelles pressions inflationnistes. Alors que l'inflation atteignait des sommets inégalés depuis plusieurs décennies et que les pressions sur les prix se généralisaient, les banques centrales du monde entier ont décidé d'accélérer le resserrement monétaire en vue de limiter la demande globale, de faire baisser l'inflation et d'empêcher un désancrage des anticipations inflationnistes.

Une inflation élevée, des politiques plus strictes et une forte incertitude ont entravé les perspectives économiques. L'activité économique mondiale a connu un ralentissement synchronisé, avec des pressions sur les prix s'étendant de l'inflation globale à l'inflation de base. Dans les derniers mois de l'année, les banques centrales du monde entier ont commencé à ralentir le rythme de leur resserrement, en raison des premiers signes indiquant un pic de l'inflation globale dans de nombreuses régions du monde. L'inflation s'est toutefois amplifiée et menace de s'enraciner, avec des hausses de prix dans des domaines sensibles tels que les salaires, les loyers et les prestations de services.

" Une pression élevée sur les prix
restera la menace économique la plus sérieuse
pour l'économie mondiale en 2023."

L'économie mondiale traverse une période très incertaine et les prévisions économiques sont donc actuellement très diversifiée. Les perspectives pour 2023 dépendront largement de l'évolution de l'inflation, de la résilience des économies et de la manière dont les États et les banques centrales mèneront leur politiques fiscale et monétaire. Une pression élevée sur les prix restera la menace économique la plus sérieuse pour l'économie mondiale en 2023. Plusieurs banques centrales ont annoncé un ralentissement de leur politique de resserrement ou sont déjà passées à un rythme plus modéré. La politique monétaire intervenant avec un certain décalage, ce n'est qu'au cours des prochains trimestres que nous verrons le plein effet des mesures de politique monétaire prises jusqu'à présent. Les banques centrales du monde entier veilleront à éviter une récession. Nous pensons qu'elles maintiendront leur politique monétaire visant à maîtriser l'inflation pour ne pas alimenter les anticipations d'une hausse durable d’inflation.

Malgré de nombreux vents contraires, l'économie mondiale s'est montrée plutôt résiliente en 2022, soutenue par la vigueur des marchés de l'emploi, l'épargne accumulée et au soutien financier des États (surtout en Europe). La décision de la Chine d'abandonner sa politique de zéro Covid pourrait apporter un soutien bienvenu à l'économie mondiale en 2023, mais le chemin sera mouvementé et incertain. Avec une inflation élevée, un maintien des politiques monétaires restrictives, un affaiblissement du commerce international et des conflits géopolitiques, il est bien difficile de percevoir un élan en faveur d'une croissance soutenue en 2023.

Le scénario de base pour 2023 prévoit une baisse progressive de l'inflation de base vers des niveaux plus proches des objectifs à moyen terme des banques centrales. Avec une inflation élevée et des taux directeurs restant en territoire restrictif, nous prévoyons une récession peu profonde pour l'économie mondiale, avec quelques trimestres de croissance négative (récession technique), suivis d'une période de faible croissance entravée par une inflation persistante et des politiques monétaires plus strictes. Nous considérons les risques d'une récession plus profonde comme modérés, car les marchés de l'emploi restent solides, les bilans des consommateurs et des entreprises sont sains, les banques sont en bien meilleure forme qu'après la crise financière mondiale et les banques centrales veilleront à éviter une forte baisse de l'activité économique.

Ce scénario comporte plusieurs risques à la baisse. Une nouvelle hausse des anticipations inflationniste pourrait contraindre les banques centrales à un resserrement plus agressif. Un durcissement des conditions financières avoir un impact durable sur la stabilité financière ou déclencher une crise dans les pays émergents. De mauvaises décisions majeures sur le plan macroéconomique ou de nouvelles crises géopolitiques pourraient faire plonger l'économie mondiale dans une récession plus sévère et plus longue que prévu à l’heure actuelle.

Ce scénario comporte également quelques risques positifs. Un durcissement des conditions financières pourrait avoir un impact plus rapide et plus important sur l'économie, freinant ainsi la demande et affaiblissant l'inflation plus tôt que prévu. Une résolution rapide de la guerre en Ukraine, suivie d'une amélioration de la crise énergétique en Europe et d'un apaisement des tensions géopolitiques, ainsi que la décision de la Chine d'abandonner sa politique stricte du zéro Covid pourraient entraîner un rebond économique plus rapide et plus puissant en 2023.